Vagues scélérates : faisons le point !
27 février 2021

Il existe de nombreuses situations dans lesquelles la navigation peut être dangereuse, et parmi celles-ci nous devons considérer toutes les fois où les conditions météorologiques maritimes sont particulièrement défavorables. Les grands navires, sont moins touchés par ces problèmes et peuvent faire face à des conditions de mer qui seraient totalement prohibitives pour les petits bateaux.

Néanmoins, plusieurs accidents ont été signalés, également dans le nord-ouest de la Méditerranée, principalement en raison des conditions météorologiques maritimes, et impliquant également de grands navires. Parmi ces accidents, certains ont été causés non pas tant par la présence de situations dangereuses dans l'ensemble, mais par des situations critiques liées à la présence de certaines vagues particulièrement hautes et raides ( vagues scélérates) qui ont eu un impact sur les navires. Les services de prévision météorologique marine qui sont assurés par des centres météorologiques, tels que le LaMMA ou l'Arpal, produisent des cartes de la hauteur significative des vagues, qui est le paramètre le plus connu utilisé pour mesurer l'état de la mer.

Physiquement, elle représente "la moyenne des troisièmes vagues les plus élevées", en pratique, c'est une sorte de "vague moyenne perçue". Cependant, une mer caractérisée par une certaine hauteur de vague significative peut développer, même si c'est avec une faible probabilité, des vagues d'une hauteur et d'une inclinaison beaucoup plus importantes que celles indiquées, par exemple des vagues même supérieures au double de la hauteur significative prévue. Cette probabilité est estimée très faible dans les modèles utilisés traditionnellement, alors qu'elle est nettement plus élevée dans la réalité, et pour une même hauteur significative, elle peut varier de manière significative en fonction des conditions marines. Grâce à l'utilisation de modèles plus avancés qui prennent en compte toutes les non-linéarités présentes dans la mer, il est possible de faire des estimations plus précises de cette probabilité.

Au sein du GIAS, Lamma mène, en collaboration avec l'Université de Turin, une étude pour la caractérisation de ces états de mer dangereux dans la zone du nord-ouest de la Méditerranée, avec pour objectif final de définir des cartes de risques de navigation liés à la formation potentielle de vagues scélérates lors de certaines situations météorologiques. Dans cette première partie de l'étude, des simulations numériques directes ont été réalisées, en utilisant un modèle spectral d'ordre supérieur avec une approche qui permet de simuler l'évolution de la surface libre à partir d'un spectre de vagues donné, de dériver les distributions de vagues, c'est-à-dire la probabilité associée à chaque hauteur, et par conséquent d'estimer la probabilité des vagues les plus extrêmes. 

Les premières analyses effectuées ont montré, par exemple, que si l'on considère un accident survenu il y a quelques années non loin des côtes françaises, la situation qui s'est produite lors de cet accident est assez commune à de nombreux types d'états de mer qui sont normalement présents dans notre région et qu'il ne s'agissait donc pas d'un événement aussi unique.

Les deux figures suivantes présentent la carte des hauteurs de vagues significatives en Méditerranée au moment de cet incident, montrant que les prévisions indiquaient des conditions navigables, bien qu'avec un certain risque, pour les grands navires à passagers le long de l'itinéraire Barcelone-Gênes, avec des hauteurs de vagues significatives qui devraient être d'environ 4 mètres sur le lieu de l'incident.

La linea continua nera corrisponde alla distribuzione teorica, i simboli rossi corrispondono alla distribuzione ottenuta con le simulazioni numeriche.

La deuxième figure (la ligne noire pleine correspond à la distribution théorique, les symboles rouges correspondent à la distribution obtenue avec les simulations numériques) montre la distribution des hauteurs de crête des vagues estimée à la fois par le modèle haute résolution et par une distribution linéaire théorique typique (simplement obtenue par superposition des vagues élémentaires sans tenir compte des interactions). 

Il ressort clairement de cette figure que la probabilité d'avoir des vagues au-dessus d'un certain seuil peut même être dix fois plus élevée que celle prédite par la théorie linéaire, et que par conséquent des conditions apparemment sûres peuvent dissimuler des vagues beaucoup plus élevées que la moyenne perçue et donc exposer la navigation à des risques plus élevés que prévu. 

Tout cela sera examiné plus en détail au cours du projet. Dans une première phase, nous analyserons d'autres études de cas liées à d'autres accidents afin de vérifier la présence éventuelle de conditions similaires qui pourraient constituer un signal d'alarme. Par la suite, afin de rendre cette méthode applicable à des fins de prévision, l'objectif est de classer les conditions de mer similaires en classes, et pour chacune d'entre elles de définir un indice de risque basé sur la probabilité d'événements extrêmes. Il serait ainsi possible de générer des cartes de risques mettant notamment en évidence le danger plus ou moins important de certains itinéraires.