Table ronde "Etudes et restauration"

Table ronde "Etudes et restauration"
04 octubre 2021
Hôtel de la Collectivité , Rond-point Maréchal Leclerc, Bastia
Ore: 14:00-15:15

Au XIXe siècle, l’architecte français Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc accordait au monument une longévité éternelle tandis que le critique d’art anglais John Ruskin lui acceptait un cycle de vie limité dont la ruine ferait irrémédiablement partie, la restauration étant « la pire des destructions ». Celle de l’italien Camillo Boito, proposait en 1893 au choix binaire « conserver ou restaurer » une troisième voie plus pragmatique. Les doctrines et théories n’ont ainsi cessé d’évoluer en alimentant de manière cyclique un débat séculaire. L’incendie de Notre-Dame de Paris en avril 2019 a pour la première fois au XXIe siècle fait ressurgir ce débat passionné sur la théorie de la restauration, lequel s’est de nouveau, à moindre échelle mais avec autant de passions, pour de récentes opérations menées sur des tours littorales de Corse.

Pour une lecture critique efficace de la restauration du patrimoine au XXIe siècle, il est nécessaire de mettre en perspective les choix actuels au regard des 2 siècles qui nous précèdent en matière de codification et théorisation des notions de patrimoine, de conservation et de restauration. En particulier, la charte de Venise, fondée sur une conception héritée des années 50 et adoptée en 1964 et qui n’avait d’autres ambitions que de définir un cadre, est aujourd’hui fréquemment détournée pour être érigée en doctrine. Les six décennies écoulées depuis ont vu poursuivre l’évolution conceptions, théories et pratiques. On peut citer l’école du « restauro critico conservativo » de Giovanni Carbonara, le document de Nara sur l’authenticité paru en 1994, découlant de la charte de Venise, ou encore des conceptions françaises qui opposent une vision italienne de la restauration comme « affaire de spécialistes » et d’intellectuels à celle d’un savoir-faire artisanal hérité du compagnonnage où l’artisan est l’architecte, l’opération de restauration pouvant se présenter comme un essai conservatoire de techniques traditionnelles. C’est assurément cette conception, bien française, qui suscite, aujourd’hui et chez nous, les passions.

L’idée d’un patrimoine vu à travers la conception aristocratique de l’œuvre d’art n’est absolument plus en rapport avec son appropriation par les habitants du territoire qui le possède. Si l’on parvient à maintenir la salvatrice distanciation avec une forme émergente de « populisme patrimonial », cette appropriation demeure positive car démontre l’attachement et l’intérêt des populations aux témoins bâtis de leur héritage commun, générant des avis constructifs comme des paradoxes inhérents à la complexité de l’âme humaine dans ses sensibilités et contradictions.

S’il est évident que la population doive être consultée quand il s’agit de modifier l’image collective d’un élément du paysage appartenant à tous et ainsi en bouleverser le souvenir, dans quelle mesure l’idée d’un goût collectif est acceptable ? Pour la définition d’un parti de restauration, préférons à l’idée subjective d’un « goût », laquelle ouvre à toutes les dérives et tous les arbitraires, l’objectivité d’un raisonnement scientifique fondé sur l’étude et la connaissance la plus exhaustive possible de l’objet de notre intervention, la rigueur n’excluant jamais la sensibilité. C’est lors des phases d’études préalables que cette connaissance d’un monument est agrégée, synthétisée et mise en forme de manière à être intelligible. Ainsi, c’est par le relevé, l’étude historique, l’archéologie du bâti, l’analogie, les campagnes de recherches et de sondages de la matière ancienne… que l’architecte du patrimoine pourra grâce aux apports du géomètre, de l’historien, de l’historien de l’art, de l’archéologue, du restaurateur… bâtir le corpus scientifique qui conduira, une fois celui-ci confronté à la discussion rendue nécessaire par l’évolution démocratique de la société, à la formulation d’un choix architectural et d’un parti de restauration.

La table ronde abordera ces points à travers les expériences croisées de deux architectes du patrimoine maîtres d’œuvre de projets de restauration en Corse, en particulier lors des études de diagnostic réalisées avec l’apport de spécialistes d’autres disciplines. Le propos des architectes sera mis en perspective avec le rôle d’autorité de contrôle scientifique représentée par l’Architecte des Bâtiments de France et confronté à la réalité du chantier avec un entrepreneur spécialisé dans la restauration du bâti ancien.

Animée par  :

Sébastien CELERI, Architecte, chef du service Conservation – Restauration de l’architecture à la direction du Patrimoine de la Collectivité de Corse

Avec la participation de :

Jean LUSETTI, Entrepreneur spécialisé en restauration du patrimoine

Isabelle BOURRIER, Architecte des bâtiments de France de Haute-Corse

Jean-Manuel PAOLI, Architecte du patrimoine

Romuald CASIER, Architecte du patrimoine

 

Lien zoom : https://us02web.zoom.us/j/86288723502?pwd=cmowLzUyMGRJRlFTYjg5QmE2VTFpQT09